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Le conte de Myrna, poule moulée

MYRNA, POULE MOULEE



Le destin romanesque de la poule de Pâques de l’artisan chocolatier Olivier Fuchs.

Conte écrit par Sophie Colliex

Les jours s’allongent, les arbres poussent leurs bourgeons vers le ciel, la pâquerette tapisse les champs. Depuis quelque temps, d’étranges phénomènes se produisent un peu partout dans le monde. Ici, une volée de cloches traverse le ciel pour rejoindre Rome, déversant sur son chemin une pluie de friandises ; là, des lapins, des lièvres bondissent dans le paysage, déposant des œufs colorés dans de petits nids spécialement préparés par les enfants.

Là-bas, dans un pays lointain, une poule est née.
Elle s’appelle Myrna. Elle ne ressemble pas aux autres pensionnaires de cette basse-cour du bout du monde. Son corps est couvert de plumes noires et elle porte haut une élégante coiffe d’un brun chaud. Tandis qu’elle pond tranquillement, jour après jour, œuf après œuf, ça caquète, et ça caquète autour d’elle.

— Qu’est-ce qu’elle est grande, la Myrna, bien plus grande que nous.


— T’as vu ses plumes, jamais vu une poule avec des plumes noires.

— Regarde comme elle se la joue, celle-là, avec sa grande crête.

Myrna sent, depuis sa sortie de l’œuf, peser sur elle des regards étonnés. Pondeuse avant tout, elle s’évertue à égaler les meilleures ouvrières du poulailler. Elle donne de beaux œufs d’un brun chaud, aux teintes des fruits de la forêt, bien différents de ceux, blanc rosé, de ses voisines de paillasse.

Le coq s’approche quelquefois de la couvée de Myrna. Pas très souvent. Jusqu’au jour où Myrna découvre dans son nid un œuf... pétillant. Dans la basse-cour, ça glousse à qui mieux-mieux. De mémoire de volaille, personne n’a jamais vu ça. Ce jour-là et les jours suivants, le coq, le jabot raidi par l’indignation, passe devant le nid sans s’y arrêter. Myrna est triste. Ses couvées se raréfient, se clairsèment. Plus que deux œufs. Un œuf.

Un matin, l’impensable se produit. Plus aucun œuf dans la paille de Myrna. Les autres poules rient, la bousculent, lui volent dans les plumes. Rester dans cette basse-cour devient difficile. Décider de partir ne l’est pas moins ; mais il arrive que l’on n’ait plus le choix. Myrna lisse ses plumes sombres, redresse sa coiffe et s’éloigne de sa paillasse en se dandinant, sous l’œil dédaigneux du coq et les jérémiades des pondeuses. Elle court vers la porte, si vite que dans son élan, ses ailes se décollent de son corps dodu.

— Non, mais t’as vu ? V’là la Myrna qui montre ses cuisses !


— Je rêve ? Elle déploie ses ailes !

Myrna en a assez vu et entendu. Elle part en voyage. Elle bondit par-dessus les barrières, elle passe des frontières. Elle ne sait pas très bien où elle va mais
ce qu’elle sait c’est que le plus dur est fait : elle a quitté la basse-cour. Il ne lui reste qu’à avancer à la rencontre de sa destination. Sa marche dure des jours et des jours. Elle franchit le Jura. C’est en Suisse, dans un café La Chaux-de-Fonds qu’elle tombe bec à nez avec la sculptrice Myriam, qui est immédiate- ment conquise par l’élégance de la voyageuse. Myrna reconnaissante pond quelques œufs, aux teintes châtaigne mêlée de noisette. Son destin de poule est scellé : le plasticien Christian la présentera à un chocolatier. C’est dans un atelier de Lausanne que Myrna se laisse couler, douce, chaude et parfumée, entre les mains habiles de l’artisan Olivier Fuchs.

Myrna, poule moulée, vient d’émerger d’une vague de chocolat. Elle n’est plus seule. Elle trône désormais dans l’atelier, entourée de ses sœurs dont le nombre augmente de jour en jour, leurs beaux œufs en chocolat noir et blond étalés autour d’elles.

Sophie Colliex






LE CONTE DE MYRNA POULE MOULEE
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