Djilali,
Tu es parti.
Nous avions fait connaissance à Paris, à l’organisation internationale de la francophonie, où mon Enfant de Mers el Kebir recevait le prix premier roman.
Comme le dit la chanson, on ne choisit pas l’endroit où on apprend à marcher. Pourtant, certaines origines se portent comme des secrets, ou se traînent comme des boulets. Ton amitié m’avait permis d’explorer à fond ma relation à l'Algérie, pays que je n’ai pas connu mais dont j’ai hérité une histoire complexe.
L'aventure avait débuté en été 2018. Tu étais à Paris, en train de regarder le Tour de France tandis que je me trouvais à Paros, en Grèce. Nous nous sommes écrit et cet échange nous a tellement passionnés que nous l'avons transformé en manuscrit. Behja Traversac l'a aimé et Terre de ma mère est né entre les mains de nos éditrices de Chèvrefeuille Etoilée. Cette pièce à quatre mains s’est inspirée de ton enfance dans l’Algérie coloniale, et de la mienne dans une France qui recevait comme des criminels ses enfants d’Afrique du Nord, transis et ruinés. On ne peut pas refaire le monde, c'est toujours ce qu'affirme celui qui refuse le voir changer. Mais ce que l'on peut toujours faire, c'est tamiser ses couleurs criardes et nous, on a essayé.
Dji-la-li, ton prénom avait des sonorités si gaies, comme celles d’une ritournelle. Tu débordais de bonne humeur. Ta voix était celle de la mesure, de la curiosité, de la lucidité. De l’intelligence et de l’humour, si absents d'une époque harassée de préjugés et de rancœurs.
Djilali, tu avais été journaliste de radio et cela m’amusait toujours beaucoup lorsque dans Paris, des gens reconnaissaient ta voix.
Ta voix s’est tue pour toujours, plus personne ne la reconnaîtra dans Paris mais je continuerai à l’entendre entre les pages de tes romans et de notre Terre de ma mère, que je reste seule à défendre.
Adieu, mon cher ami.
Avec Behja, notre éditrice
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