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En transit à La Part-Dieu


A la descente du train de Genève, à Lyon, le flux de passagers s’écoule par une rampe d'escaliers, vers ce qui ressemble à une sorte de cratère. La grande halle, en travaux, aspire, puis disperse, sous l’œil vigilant de militaires lourdement armés, toute une humanité, grouillante, pressée et... masquée. Une heure à tuer : j'ai pris mon temps.


Les masques effacent la moitié des visages – et quelle moitié ! – celle qui émet des sons, grimace, sourit, rit même ; celle qui aspire, inspire, hume, et sent. Ils contraignent l’expression orale, nous empêchant de pousser nos voix pour ne pas étouffer lors de la reprise d’air. Nos fronts, sourcils, yeux - à condition bien entendu que les carreaux de nos lunettes ne soient pas embués d’humidité – viennent à la rescousse de nos jappements inaudibles, pour saluer, remercier, approuver, désapprouver…bref, communiquer.


Point positif toutefois : le masque contient les haleines douteuses, ce qui est plutôt bienvenu lorsque votre interlocuteur a mangé des croûtes de fromage. D'autres détails d'ordre esthétique, auxquels je ne suis pas insensible : le masque dissimule les poils du nez et du menton, mais expose ceux des oreilles. Il est sans pitié pour les fronts gras ou boutonneux, les sourcils de pithécanthrope, ou les coulures d'un mascara posé la semaine dernière.


C'est alors que j’ai aperçu Pepper. Pepper, c’est le robot de la Part Dieu, préposé aux renseignements dans la gare. Un humanoïde, et lui, c'est un vrai. Lorsqu'il s'exprime, il se déhanche sur son socle et mouline des bras. Pour prévenir tout cafouillage, les fabricants l’ont équipé d’un regard bicolore. Ses yeux sont bleus lorsqu’il écoute, verts lorsqu’il parle. Sa bouche est minuscule (lui n'est pas masqué) et sa voix aigrelette assez puissante. Il n’aime pas qu’on lui coupe la parole. Je lui ai demandé où se trouvaient les lavabos, il m’a répondu qu’il ne comprenait pas ma question. Après quelques secondes d'une conversation confuse - nonobstant fort sympathique - Pepper m’a avoué qu’il préférait les femmes rousses.


Sophie Colliex, 07.09.2020


Photos S.Colliex

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