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Prix Première Oeuvre littéraire francophone pour l'Enfant de Mers el Kébir

A l'Organisation Internationale de la Francophonie, Paris, mars 2016

Co-décerné par messieurs Jacques Chevrier, Président de l’Association des Ecrivains de Langue Française (ADELF), et monsieur Jean-Noël Cordier, de l’AMOPA (Amis de l'Ordre des Palmes Académiques).

La dernière fois que je me suis retrouvée sur le devant de la scène pour un premier prix, c’était au CM1, à l’âge de neuf ou dix ans. Je grimpe quatre marches, une estrade, une institutrice me remet en souriant mon prix, c’est un livre. Je redescends, écarlate, dans les mains : Quo Vadis, de Henryk Sienkewicz. Les aspirations littéraires du terrifiant Néron m’ont donné une leçon de vie que, par delà les années, je n’ai jamais oubliée. J’ai compris dans les pages de Quo Vadis qu’un incendie pouvait manquer de flammes. 

Des lustres plus tard je reviens, un peu éberluée, sur le devant de la scène pour recevoir un premier prix. Tout aussi écarlate que naguère. Peut être davantage. Cette fois, à 17 heures, au siège de l’Organisation Internationale de la Francophonie, avenue Bosquet à Paris, il ne sera pas question de m’offrir un livre, mais d’honorer celui que j’ai écrit, par ce prix de la Première Oeuvre Littéraire Francophone. 






Je ne résiste pas au plaisir de retranscrire ici l'éloge prononcé par la Secrétaire Générale de l'ADELF, madame Marie-Neige Berthet : 


« Il est convenable, nous le savons, d’établir une barrière étanche entre l’auteur et son ouvrage. Et pourtant… en essayant de comprendre la genèse du roman de Sophie Colliex, nous sommes allés de surprise en surprise. Question toute simple, pourquoi une femme, qui enseigne le français à Genève a-t-elle choisi de peindre la vie du village de Mers el-Kébir de 1939 à 1951, et pourquoi tant d’empathie et tant d’émotion ? Et voici la réponse : les ancêtres de l’auteur sont venus au 19ème siècle en Algérie, terre française, depuis l’Andalousie, pour s’installer dans le « Grand Port », Mers el-Kébir, où ils ont fait souche. La tombe d’un grand-père se trouve à Oran, et elle a été il y a peu restaurée par des habitants. Ainsi donc, Sophie Colliex a hérité d’une légende familiale qu’elle a complétée, en France, par des témoignages des Kébiriens, particulièrement de ceux qui, à La Ciotat, honorent la statue de Saint Michel rapportée d’Algérie.Ensuite, tout un travail de recherche, aux Archives de la Guerre, de la Marine, a permis de replacer l’histoire familiale dans l’Histoire, la Grande.

L’écriture de ce roman est donc une aventure humaine et affective. Des circonstances aussi particulières permettent de mesurer la modestie sincère d’un auteur qui ne se laisse pas aller aux tentations multiformes de l’écriture de soi et des jugements péremptoires, et qui ne nous inflige pas un narrateur omniprésent et omniscient.

La famille de fiction se compose d’un père, Joseph, ancien pêcheur de corail venu de la baie de Naples, et de Marthe, la mère, venue d’Andalousie. Moman proteste à grands cris contre la misère, mais arrive toujours à nourrir son petit monde, trois enfants dont Michel, le personnage autour duquel s’articule l’intrigue. Il a 8 ans à l’été 1939 au début d’un récit qui s’achève en 1951.

L’intérêt est triple.

D’abord, peindre l’évolution d’un jeune garçon, des bêtises de l’enfance au dur travail d’apprenti, employé à creuser les souterrains du port de guerre. Dans une famille sans livres, où la pauvreté fait loi, lui a une seule passion : dessiner. Pourquoi ?

Le second intérêt attaché au choix de la période 1939-1951 est de nous rappeler des pans d’histoire largement occultés. Le bombardement, en rade de Mers el-Kébir, de la flotte française par les Anglais, est peint ici dans toute son horreur, avec des notations et des images saisissantes. Puis arrivent les Américains : base-ball, chocolat, abondance, et une curieuse façon de se débarrasser… des mouches. Le petit village se transforme peu à peu en gigantesque port de guerre, puis en base anti-nucléaire pour la Marine française, au prix de travaux titanesques.

Le dernier attrait du roman, le plus pénétrant peut-être, reste la peinture chaleureuse des gens, de la vie quotidienne, des couleurs, des odeurs, de la plage où les enfants jouent avec leurs cerfs-volants, des pêcheurs, de la baie enfin. Dans toute sa beauté, elle devient quasiment le personnage principal du roman.

L’écriture évite le pathétique, elle est fluide, simple, toujours élégante. Bien au-delà d’un simple plaidoyer pour le « vivre ensemble », le livre s’impose par sa générosité. L’emploi, surprenant, du présent de narration, nous conduit à penser que les ancêtres peuvent revivre en nous, qu’ils vivent, en réalité, de l’hommage que nous leur rendons, aujourd’hui, au présent.

Telle est la réussite de Sophie Colliex : rendre grâce à ses origines, en toute modestie ».

Marie-Neige Berthet.








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